Ami personnel de Fatshi, Lobo Bébel, qui est jeté à la prison pour usurpation de pouvoir et trafic d’influence, rappelle bien d’autres « frasques » des hommes du Président de la République échappant à la sanction ou délibérément passées sous silence telles que l’affaire des Usd 15 millions des rétro-commissions, celle de la construction d’un palais présidentiel ou encore celle du paiement d’une grosse facture à une société ayant obtenu un marché à la résidence de la République alors qu’elle n’avait encore aucune existence légale, etc.
Dieudonné Lobo Bébel, ami personnel et coordonnateur administratif des services personnels du chef de l’Etat, croupit à la prison centrale de Makala depuis le 28 novembre 2019 après avoir été entendu deux jours plus tôt par les services spéciaux puis la police judiciaire. Il lui est reproché l’usurpation de pouvoir pour avoir octroyé un mandat spécial à une firme étrangère, Saint Louis BGM Sarl, lui permettant de procéder à des explorations en vue d’une exploitation minière sur le site de la Miba au Kasaï Oriental.
Le Premier ministre Sylvestre Ilunga avait saisi le Directeur de cabinet du chef de l’Etat pour dénoncer cette démarche qui enfreint les usages en la matière. Et venant à sa suite, le Ministre du Portefeuille, Clément Kwete, avait instruit la direction de la Miba de ne pas faire droit à un tel mandat, ce qui lui avait coûté la foudre des militants de l’Udps à Mbuji-Mayi, l’accusant d’être le fossoyeur du peuple kasaïen.
Lobo Bébel n’en était pas à son premier acte du genre. Dans la même période, en effet, il avait accordé la même facilité à une firme américaine du Misisipi, The Rosenthall Group LLC, pour des fins d’exploration en vue des investissements en RDC.
Bébel Lobo, une goutte dans les « frasques » des hommes du Chef
Par contre, cette action judiciaire est la première du genre qui frappe des membres du cabinet du chef de l’Etat qui, dans les six premiers mois de son mandat, s’étaient distingués par des actes similaires qui avaient suscité un tollé général et soulevé des interrogations sur les capacités véritables de Félix Tshisekedi de lutter contre la corruption. Des interrogations qui avaient, d’ailleurs, accompagné et rythmé ses séjours en Occident, surtout aux USA et, plus particulièrement, en Belgique.
En Belgique où le Président de la République était arrivé au temps fort de la polémique sur l’affaire de la disparition de 15 millions Usd du secteur pétrolier, affaire dans laquelle est cité son Directeur de cabinet Vital Kamerhe. La même affaire qui avait fait dire au chef de l’Etat que c’était une banale histoire de rétro-commissions qui est courante dans son pays, la RDC, où on appelle cette pratique « coop » (pour coopération) pour désigner des actes généralement illicites.
Le même Directeur de cabinet s’était retrouvé dans une autre affaire de marché de nettoyage des sites présidentiels et du stade des Martyrs à l’occasion des funérailles de feu Etienne Tshisekedi. Le marché avait été attribué à une société qui, en ce moment-là, n’avait aucune existence légale. Pot-aux-roses ou pirouette suspecte, Vital Kamerhe instruisait le ministre des Finances de procéder au paiement d’urgence de la facture par le billet du compte public de la Présidence, alors que d’ordinaire, les paiements aux fournisseurs et autres prestataires passe par la chaîne de dépense.
Vital Kamerhe se retrouve aussi, par une autre de ses lettres, dans cette autre affaire dans laquelle, toujours au nom du Président de la République, il a accède à la requête d’un privé – la société ZAWAL gérée par un certain Doudou Makuangu Nkombo – pour un accompagnement financier d’un projet économique. Kamerhe informe l’investisseur de l’instruction donnée au Foner (Fonds national d’entretien routier) pour lui allouer, chaque mois et pendant 12 mois, la somme de 2 millions de dollars (soit au total 24 millions Usd) pour la construction des entrepôts et stations-services à l’intérieur du pays.
Une facilité qui, en son temps, suscite des interrogations quant à une telle démarche dont la compétence légale est pourtant dévolue au Fonds de promotion de l’industrie (FPI) à travers des prêts que cet établissement alloue aux promoteurs industriels. Des interrogations également quant à la source de cette allocation – le Foner – dont les fonds collectés sont préaffectés pour l’entretien et la construction des routes.
Egalement épinglé dans ces « frasques » des hommes de Fatshi, le dossier révélé par une lettre du Directeur de cabinet adjoint du Président de la République qui requérait, au nom de la « haute hiérarchie », un accord de la Direction générale du contrôle des marchés publics pour passer un marché de gré à gré avec une firme privée en vue de la réhabilitation de la cité de l’Union africaine et du Palais de la Nation, ainsi que la construction d’une résidence officielle du chef de l’Etat. Coût du marché : 180 millions d’euros, rubis sur l’ongle.
A l’ébruitement de l’affaire, Désiré Casimir Kolongele Eberande – puisque c’est de lui qu’il s’agit – va nier la paternité de la lettre. Il ne reste, cependant, pas moins que les contours du marché demeure flous et suggèrent une arnaque de haut vol. En effet, Démocratic Congo High Tech Construction Company (DCHTCC) censée être l’attributaire de ce marché de gré à gré est d’une très récente existence légale (seulement quelque deux mois avant la démarche) et ne justifie d’aucune capacité financière pouvant soutenir un tel marché.
Doit-on avoir bon espoir que le bâton qui vient de frapper Lobo et quelques-uns de ses affidés ouvre la voie au nettoyage des écuries d’Augias ?
JEK